Solu khumbu – acte 5 – Come back to Jiri

J’avais mis 4 jours pour rejoindre Namche depuis Jiri. En tant que dingue de l’endurance et pour passer le réveillon de la nouvelle année, une idée me vint à l’esprit : cette nuit là, je marcherai !
1ère journée, j’arrive de nuit à Luckla ! Après une bonne nuit, je découvre au travers de la fenêtre de ma chambre, la piste du petit aérodrome. Celle-ci est minuscule et en pente pour favoriser les décollages et atterrissages. Avant de quitter pas trop tôt Luckla, je regarde une paire d’avion, jouer !
Longue marche ce 30 décembre. Pas un marcheur étranger durant toute cette journée, juste des caravanes de chevaux et les sherpas. J’arrive à atteindre le col de Taksinku La (3055m) à 20h ce qui pour le peuple sherpa est tard !
Lorsque je frappe à la porte du petit lodge tenu par pasang, qui pour l'anecdote a été l’un des cuisto pour le trail « solu khumbu trail » organisé par le célèbre coureur Franco-Népalais Dawa dachiri sherpa , il me reconnait. Je ne le fais pas cuisiner un plat spécial pour moi et lui dis que je veux manger comme lui, sa famille et ses amis présents ce soir là.
Je ne me souviens plus du nom du plat mais qu’importe car je n’en remangerai plus.
Prenez de la farine de blé et/ou de sarrasin, mélangez là à de l’eau bouillante, disposez cette "flèque" dans une assiette, prenez dans le bout de vos doigts, un peu de cette "flèque", trempez la dans un bol de soupe super épicé !
Ça vous réchauffe, vous remplis l’estomac, vous brûle les lèvres gercées et vous n’avez qu’a vous glisser dans votre duvet quelques instants plus tard en attendant que Morphée ne vienne vous dire : « t’as bien mangé, t’as bien bu et t'as la peau du ventre bien tendue, bon courage pour ta nuit » et qu’elle se barre…
Au réveil du 31 janvier, le ciel est couvert. Et c’est parti pour un non stop pendant 24h en pays sherpa.
J’envoie du gros, la température est bonne malgré le soleil qui joue à cache cache avec les nuages et je marche en tong jusqu’au col de Lamjura La (3530m).
Ensuite la longue et difficile descente jusqu’à Kinja (1600m – point le plus bas) me fait mal aux genoux, aux cuisses mais avec les grosses chaussures j’évite les entorses.
1h30 avant d’atteindre Kinja, un seul gars arrive derrière moi. Je l’entends qu’il se rapproche. L’esprit de compèt revient en moi, j’accélère j’ai mal partout, il se rapproche toujours jusqu'à arrivé à ma hauteur.
On cause : « mais pourquoi vous allez si vite ? » me dit-il ? je lui dis : « Namasté » et enchaine en lui disant que je suis un psychopathe !
On reste ensemble jusqu'à Kinja où l’on arrive de nuit ;
Nous partageons un dal bhat et black coffee et sachant mon projet de non stop jusqu'à Jiri, il est tenté de m’accompagner et de vivre l’aventure avec moi et en même temps il est tenté de prendre une chambre ici pour la nuit. Je le persuade de rester dormir tranquille, ce qu’il fait, je préfère rester seul.
Je me fais préparer des chapattis, du fromage et des tarkaris (légumes) et j’emballe le tout dans un zac ziploc ! Mon diner du réveillon est prêt. Le dessert : 2 mars et un litre de tatopani (eau chaude) pour le chaï et le café.
C’est parti pour la nuit. Aucune étoile, le noir complet ! les nuages sont omniprésent et dès que j’attaque la remontée jusqu’au col de Deurali (2750m) des gouttes de pluies commencent à tomber.
Ah beng bravo ! quel est ce signe ? voilà 17 jours qu’il n’a jamais fait aussi mauvais. Je grimpe 45 minutes et m’abrite sous un cabanon de tressage en bambou à côté de deux vaches placides.
Qu’est-ce que je fais, j’attends, je dors un peu. Que né ni, j’ai froid à chaque pause. J’avale un mars et ça repart !
Ça monte, il pluvine, ça glisse j’envoie du petit. Je reconnais le sentier par moments jusqu'à ce que je fasse une erreur topo. Je ne reconnais plus rien, je ne vois rien. Mais où je suis ? Tout est noir. Je ne distingue rien, juste quelques mètres à la lueur faible de ma frontale. Je sors la boussole pour la 1ère fois depuis très très longtemps. C’est bien ce qu’il me semblait, je ne vais pas dans la bonne direction !
Têtu, borné, je ne ferais pas demi-tour pour retrouver la bonne pistouille. Je prendrai le bon cap à travers les terrasses de cultures. Ambiance raid Aventure. J’ai une très forte pensée pour toute la petite famille du Raid avec qui j’ai chaque fois plaisir de courir (Dadou, Benj, Céline, Val etc…) . Je me régale sans jamais me demander qu’est-ce que je fais là ? enfin juste une fois je me souviens dire à haute voix : « mais pourquoi je suis si con de ne vouloir jamais faire demi-tour pour retrouver la bonne sente ? »
Grâce à l’enseignement bouddhique et à l’équanimité, je me revois sourire en pensant seulement à progresser, à marcher, en gardant le bon cap et je finis par la recroiser cette sente.
00h, Happy new Year ! il pleut c’est ballot. Je m’abrite et déguste mon repqs en craquant un bâton lumineux qui fera office de cotillon.
J’ai froid, je bois un bon café et repars en finissant par retrouver la pistouille et ses marches monstrueuses en dalle de pierre. Que je les aime ! je suis juste 150m D- sous le col. Le vent souffle contre moi là-haut. Je m’abrite ; m’habille plus, re-bois un coup et me remet en route. Ce n’est plus très très long maintenant, une descente, une dernière montée et une autre descente il est 1h30 du mat.
Cette avant dernière descente me fait mal aux jambes, je glisse, je tombe à plusieurs reprises. J’arrive en fond de vallée épuisé. Je finis ma tatopani et repars en envoyant du « gros ». Je n’ai plus mal, comme si j’attaquais une nouvelle journée.
Rebelote, erreur de topo et je sors à l’aube à un col bien plus au nord de celui où j’aurais dû sortir ! Grâce à la clarté, j’arrive à distinguer les lumières de Jiri 700m D. plus bas. La descente n’en finit plus. J’arrive sur la place du village avec le dernier bus qui attend à 7h avec les cris horrible d’un porc d’au moins 400kg, en train d’en finir avec sa vie misérable. Vision d'horreur. Qui a dit que tous les bouddhistes sont Vègie ?
Je m’approche du micro-bus. Les gens me regardent bizarre. 30 minutes plus tard, il est plein et 8h de plus, je suis dans le centre de Thamel à KTM (Katmandou).
Une bonne bière, un bon repas et je me retrouve dans ma chambre au Monastère Benchen dans le quartier de Swayanbuthnat !

Pour les passionnés de chiffres, la partie montagne dans le massif du solukhumbu se résume à :
- 17 jours et une nuit de marche dont 1 jour de repos.
- 23600m D+ / D- soit une moyenne de 1388m D+/D- / jour.
- 108h de marche soit 6.75h/jour
- Journée de marche la plus longue : 9h20 et 16h35 le non-stop.
- Journée de marche la plus cool : 2h40
- Point le plus haut : 5850m (en allant vers le sommet de l’Island Peak)
1520m
- Plus beau souvenir : le panorama depuis Gokio Ri
- Plus mauvais souvenir : il n’y en a pas !

5 commentaires:

  1. Salut le guerrier des hauts plateaux,

    que c'est bon de lire tes aventures ! On s'évade à chaque fois...
    Je te souhaite une très bonne année 2011, parait que tu rentres au pays bientôt, j'espère qu'on aura l'occaz de se voir pour que tu nous racontes ton périple avec une bonne mousse.

    bonne fin d'aventure.
    la bise
    jéjé

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  2. ça c'est du réveillon!!! toujours aussi passionnant de te lire.
    Tous mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année.
    A bientôt.
    Jipé

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  3. Régale toi et continue à nous faire vivre ces moments là c est que du bonheur, bizzz vava

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  4. bonne année à toi petit Jedi arpenteur des montagnes et seigneur des cols et des vallées lointaines

    Captain canyon

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  5. Et moi qui pensais que quelques mois au pays des bouddhistes t'auraient apporté sagesse réflexion...
    Benj

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