Solu Khumbu - acte 2 - Island Peak (Imja Tse) 6189m

Le 19 décembre, lorsque j’ai écrit l’acte 1 je pensais rester toute la journée à Namche Bazaar (3445m) pour me reposer. Mais à 14h j’ai enfilé mon sac à dos et j’ai marché quelques heures jusqu’à Tengboche (3860m), où se trouve un magnifique gompa (monastère bouddhiste) et quelques lodges dont plus de la moitié sont fermés pour la saison d’hiver.

Le 20 déc, j’ai rejoins Chhukhung (4730m) qui est le dernier petit hameau dans la vallée la plus à l’Est. J’y ai installé mon camp de base pour tenter en solo l’ascension de l’Island Peak. En cette saison, un vent soutenu souffle toute la journée ce qui rend la vie encore plus difficile. Seuls trois lodges sont ouverts. Je réside seul dans le plus petit et le plus rudimentaire « Himalayan Makalu Lodge ». Il est tenu par une famille sherpa qui élève une quarantaine de yaks.

Le 21 déc, jour de l’anniversaire de maman, je suis parti en reconnaissance de la voie qui mène au sommet. Une marche d’1h45 mène à un peu plus de 5000m à côté du lac Imja Tsho où s’installe le camp de base des alpinistes, vide en cette période.
De là, la voie s’élève brusquement jusqu’à 5600m où se trouve le High Camp. A partir de là, les choses sérieuses commencent. Ça grimpe encore plus fort dans le rocher où il faut parfois s’aider des mains. La voie semble logique et pourtant j’hésite. Je distingue des cairns un peu partout. Je grimperai jusqu’à 5750m en hésitant sur la ‘bonne voie’. Mais je me fais secouer par le vent et un début de mal au crâne se fait sentir. Je décide de rejoindre Chhukhung rapidement. Plus je descends et plus ça cogne dans ma tête. Je dois manquer d’acclimatation. Je prendrai un demi aspirine mais à 18h30 alors que tout le monde s’apprête à se coucher, j’ai toujours mal au crâne et décide de ne pas tenter l’ascension le lendemain.

Le 22, je resterai tranquille à C. avec l’idée de grimper juste à côté, le Chhukhung Ri à 5550m, mais de bonne heure, le vent fort s’installe et m’invite à rester relax « au chaud » derrière les vitres de la pièce principale dont le poêle, alimenté à la bouse de yak, n’est allumé que le soir. Je sortirai juste avec Mingma à 15h30 pour aller chercher les yaks qui pâturent une maigre herbe sèche dans ce décor de moraine glacière. Après les avoir trouvés et rassemblés, nous les avons conduits jusqu’à la maison. De retour à 17h, avec le coucher de soleil, nous sommes accueillis au chaud devant le poêle avec un bon thé chaud. Dawa (52 ans), le papa, et Passang (50 ans), la maman ont eu 7 enfants, 5 filles et 2 garçons. Seuls Mingma et Ang nima restent avec leurs parents à C. pour la saison d’hiver. Les autres sont pour 3 mois (vacances scolaires) à Kathmandu.

Après le repas, Dawa et moi préparons le matos pour l’ascension. Il me prêtera une pair de crampons et deux piolets. Ils voulaient me prêter un bout de corde, son baudrier de 20 ans d’âge au moins, quelques broches à glace et de la quincaillerie, pour la descente. Ce qui signifie que celle ci sera coton (pente à 60°) et que je devrais laisser sur place une à deux broches. Je refuserai sa proposition.

Je préparerai mon sac avec ce matos et un litre de thé chaud et 3 chapatis et essayerai de m’endormir tant bien que mal.

La 23, à 0h45 le réveil sonne et à 1h du mat’ je suis sur le départ. Deux heures pour être au camp de base et je ressens déjà le vent par moment. Pas bonne nouvelle. J’avale un chapati et une tasse de thé. Plein de questions fusent dans ma tête. Il fait froid mais je suis bien équipé. Seuls les bouts des doigts sont sensibles. La lune est superbe. Je n’allumerai jamais la frontale. Sur les versants sud, tel celui où je suis, j’entends les bruits du vent. Le même son que celui d’un de ces torrents tumultueux. Je l’entends depuis mon départ de C. J’attaque la montée dans le pierrier et le vent qui s’élève comme moi m’empêche d’être shanti shanti. Je songe déjà que ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Pourtant je continue. Après le High Camp, le vent s’engouffre dans la petite gorge qui le surplombe. Je fais 30 à 40 pas et m’arrête pour reprendre mon souffle. J’ai froid aux doigts. Je me dis qu’il faut redescendre. A haute voix je me dis : « Allez, le vent va cesser, c’est beau les rêves ». Je continue, m’arrête : « non, je ne peux pas redescendre ». A 5850m je ferai demi tour en mettant mon orgueil dans ma poche. A 7h, de retour à C., je boirai un thé plutôt tiède et essayerai d’avaler un chapati mais celui-ci est dur comme un biscuit et froid comme un glaçon. Je me déshabillerai et enfilerai mon duvet jusqu’à une heure de l’aprem. C’est le vent violent par bourrasques qui me réveillera.

Nous resterons tout l’après midi au soleil derrière les vitres de la pièce principale, moi à lire et écrire et Dawa à réparer la connexion de son unique panneau solaire et en croisant les doigts pour que les tôles de son toit ne s’envolent pas !

Le lendemain rebelote. Réveil à 0h45 et le vent souffle déjà. Je m’assois dans le lit et me sers un tchai et me fais à l’idée que l’Island Peak sera toujours là et que je n’aurai qu’à revenir. Avis aux amateurs pour programmer le prochain voyage ensemble.

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